Au procès d'Ultia, la justice confrontée aux mécaniques de harcèlement sur Twitch
Par Antonin Niel
Ultia vs Harceleurs
Quatre ans après avoir dénoncé des propos sexistes lors du Zevent 2021, la streameuse Ultia fait face à ses harceleurs devant la justice. L'audience, qui s'est tenue ce mardi, met en lumière les mécanismes d'une campagne de cyberharcèlement massive, déclenchée suite à une prise de parole pourtant légitime sur les comportements sexistes dans le milieu du streaming. Plus qu'un simple procès, c'est tout un système d'influence et ses dérives qui se retrouvent sur le banc des accusés.
La double peine d'une prise de parole féministe
"Je suis épuisée, ça fait depuis 2021 que ça dure et je veux que ça s'arrête." À la barre, Ultia décrit un calvaire quotidien qui a débuté lors du Zevent 2021, après qu'elle eut dénoncé des propos sexistes tenus par le youtubeur Inoxtag envers son invitée. Un signalement qui lui vaut depuis un harcèlement constant, documenté dans un dossier regroupant pas moins de 700 personnes. L'expertise psychiatrique de la plaignante présentée à l'audience fait état d'un stress post-traumatique et de huit jours d'arrêt de travail.
Les conséquences professionnelles sont également lourdes. La streameuse produit devant le tribunal la preuve écrite de son exclusion du plus important talk-show de la plateforme Twitch, directement liée à sa prise de position de 2021. "C'est la double peine : je suis cyberharcelée quotidiennement et rejetée de mon milieu professionnel", témoigne-t-elle, confirmant l'impact financier significatif sur son activité.
De l'écran au tribunal : des prévenus sous influence
Les trois prévenus présents à l'audience présentent des profils très différents. Le premier, Monsieur A., âgé de 40 ans, était un spectateur des lives d'Ultia avant de basculer dans le harcèlement. Suivi médicalement pour des crises d'épilepsie et des difficultés relationnelles, il reconnaît avoir envoyé des mails et utilisé un vocabulaire à caractère sexuel envers la streameuse. Son cas est particulier : déjà condamné pour des faits similaires de harcèlement à de la prison avec obligation de soins, il illustre la complexité des profils impliqués dans le cyberharcèlement, entre troubles psychiatriques et difficulté à appréhender les limites du comportement en ligne.
Les deux autres prévenus présents incarnent une dynamique différente, directement liée à "l'influence". Le deuxième prévenu reconnaît avoir envoyé des messages violents dont "sale pute va te faire violer" et "fais gaffe quand tu rentres la nuit", après avoir suivi un stream critiquant la prise de parole d'Ultia durant le Zevent 2021. Le troisième, qui n'avait jamais suivi Ultia ni ses streams, est poursuivi pour avoir écrit dans un tchat "T'es gentil, moi je les aurai fini à la kalash" après avoir vu des extraits sur X. Un phénomène que les documents présentés ont révélé, reconnaissant la capacité de certains créateurs de contenu à "encourager un mouvement de harcèlement". Les deux hommes, initialement spectateurs passifs, se sont retrouvés acteurs d'un harcèlement qu'ils affirment aujourd'hui regretter.
Un phénomène systémique touchant les streameuses
Au-delà du cas d'Ultia, l'audience révèle un problème plus large touchant les créatrices de contenu. Interrogée sur ce point, la streameuse témoigne d'une réalité partagée par ses consœurs : "On va subir beaucoup de sexualisation et de montages", explique-t-elle, évoquant notamment des contenus dégradants partagés sur des forums. Avec plus de 5000 comptes bloqués manuellement sur X (anciennement Twitter) et des "dizaines de milliers de messages de haine" reçus, elle se décrit comme "sans doute la plus harcelée à l'heure actuelle".
Dans ce milieu du streaming, la prise de parole sur ces sujets reste rare et risquée. "En général dans le milieu, c'est très mal vu de se mouiller", explique Ultia, soulignant que les streameuses qui dénoncent ces comportements s'exposent à davantage d'insultes que celles qui gardent le silence. Une spirale du silence que ce procès vient briser, mettant en lumière les rouages d'un système où l'influence de certains créateurs de contenu peut se transformer en arme de harcèlement massif.
Source : Live Tweet du Procès par Klaradurand_
ndlr : Nous publierons l'issue du procès dans un article ultérieur, l'audience étant actuellement suspendue.