L'ARCEP se rêve en super-régulateur du numérique pour 2030

Par Antonin Niel

ARCEP vs 2030

L'ARCEP se rêve en super-régulateur du numérique pour 2030

Dans sa nouvelle feuille de route "Ambition 2030", l'ARCEP élargit considérablement son champ d'action. Le régulateur historique des télécoms ne se contente plus de surveiller les réseaux : il compte désormais peser sur tout l'écosystème numérique, de l'infrastructure jusqu'aux services d'intelligence artificielle. Un virage stratégique qui s'accompagne d'une vision résolument environnementale.

Du réseau cuivre à la fibre : la fin d'une époque

L'ARCEP confirme sa volonté d'accompagner la fermeture progressive du réseau cuivre historique. Un chantier titanesque qui concerne encore des millions de foyers français et qui devra se faire en parallèle de la généralisation de la fibre optique. Le régulateur entend notamment s'assurer que chaque Français bénéficie d'une connexion très haut débit de qualité, quelle que soit sa localisation géographique. Un objectif ambitieux qui nécessitera une coordination étroite avec les collectivités territoriales et les opérateurs.

Sur le front mobile, l'autorité prévoit d'orchestrer la fin programmée des réseaux 2G et 3G. Un double défi technique et social, puisqu'il faudra garantir la continuité de service pour les utilisateurs qui dépendent encore de ces technologies, notamment dans le secteur industriel où de nombreux objets connectés utilisent ces réseaux. L'ARCEP devra également veiller à ce que les zones rurales ne soient pas les grandes oubliées de cette transition technologique.

Cette mutation technologique s'accompagne d'une attention particulière à la résilience des infrastructures. L'ARCEP veut notamment pérenniser les conditions économiques d'exploitation des réseaux fibre, pour éviter tout risque de dégradation du service à long terme. Le régulateur s'inquiète notamment de la multiplication des sous-traitants et de la qualité variable des raccordements, un sujet qui pourrait devenir critique avec le vieillissement des infrastructures.

La mise en place de la 5G pour les entreprises constitue un autre chantier majeur. L'autorité prévoit le développement d'offres dans la bande 3,8-4,2 GHz, spécifiquement dédiée aux usages professionnels. Un terrain de jeu qui pourrait voir émerger de nouveaux acteurs aux côtés des opérateurs traditionnels.

Cloud et IA : le régulateur sort de sa zone de confort

L'élargissement le plus spectaculaire concerne le cloud computing. L'ARCEP se positionne comme le futur régulateur du marché, avec l'ambition affichée de favoriser l'émergence de nouveaux acteurs face aux géants américains. Un nouveau cadre tarifaire et technique est notamment prévu pour améliorer les conditions concurrentielles. Le régulateur compte notamment s'attaquer aux problèmes de portabilité et d'interopérabilité, véritables freins à la concurrence dans ce secteur.

Sur l'intelligence artificielle, l'autorité adopte une approche plus nuancée. Elle compte jouer un rôle de "vigie", en veillant particulièrement à l'ouverture des systèmes. Elle souhaite notamment promouvoir des modèles d'IA "évaluables et efficients", une approche qui fait écho aux discussions actuelles sur la régulation européenne de l'IA. Le régulateur s'intéresse particulièrement à l'impact des grands modèles de langage sur la neutralité du net et la consommation des ressources réseau.

Cette extension du domaine de la régulation s'accompagne d'une réflexion approfondie sur la neutralité du net. L'ARCEP veut étendre ce principe fondateur d'Internet à l'ensemble de la chaîne numérique : des smartphones aux plateformes cloud, en passant par les services d'IA générative. Une ambition qui risque de se heurter aux intérêts des grands acteurs du numérique, peu enclins à voir leurs services soumis à de nouvelles contraintes réglementaires.

L'autorité prévoit également de favoriser le développement de l'économie de la donnée, notamment via la labellisation d'intermédiaires de confiance en France et en Europe. Un positionnement qui s'inscrit dans la lignée du Data Act européen et qui vise à créer un écosystème de confiance pour le partage de données entre entreprises.

L'environnement au cœur de la stratégie

La durabilité devient un axe majeur de l'action du régulateur. L'ARCEP prévoit de mettre en place une plateforme dédiée à la mesure des impacts environnementaux du numérique, incluant notamment une caractérisation précise de l'empreinte de l'IA. Une initiative qui s'accompagnera d'obligations de transparence pour les acteurs du secteur, notamment sur leur consommation énergétique et leurs émissions de gaz à effet de serre.

Le régulateur compte également pousser l'écoconception à grande échelle, avec un focus particulier sur les services numériques et les box Internet. Une approche qui s'inscrit dans le respect des objectifs de l'Accord de Paris pour le climat. L'ARCEP envisage notamment de mettre en place des critères d'efficience énergétique pour les équipements et les services, une première dans le secteur.

Cette dimension environnementale irrigue l'ensemble de la stratégie et pourrait bouleverser les modèles économiques traditionnels. L'ARCEP souhaite intégrer ces préoccupations dans la régulation européenne du numérique, confirmant son ambition d'être un acteur influent au-delà des frontières nationales. Le régulateur prévoit notamment de travailler étroitement avec le BEREC (organe des régulateurs européens) pour harmoniser les approches en matière d'impact environnemental.

La question de la durabilité pose également celle de la résilience des infrastructures face aux défis climatiques. L'ARCEP entend contribuer aux réflexions sur l'adaptation des réseaux aux événements climatiques extrêmes, un sujet encore peu abordé mais qui devient critique avec la multiplication des incidents météorologiques.

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