L'exode massif vers Bluesky pousse X à sortir ses chiffres
Par Antonin Niel
X vs BlueSky
Alors que les départs des médias et influenceurs vers Bluesky s'accélèrent en ce début 2025, Laurent Buanec, directeur de X France, sort de sa réserve. Dans une longue publication, il oppose aux critiques une défense chiffrée de sa plateforme, tout en questionnant les motivations profondes de cet exode. Une réaction qui intervient dans un contexte de transformation profonde du paysage des réseaux sociaux.
Un phénomène qui prend de l'ampleur
Le mouvement de migration vers Bluesky, initié fin 2024 par quelques comptes isolés, s'est considérablement amplifié début 2025. Des médias majeurs comme Mediapart et Le Monde ont officiellement annoncé réduire leur présence sur X. Face à cette situation, Laurent Buanec déplore avant tout l'absence de dialogue : "Je regrette que, dans un certain nombre de cas, nous n'ayons pas été contactés alors même que les personnes avaient nos coordonnées."
La rapidité de ce mouvement s'explique en partie par un effet d'entraînement, chaque départ médiatisé encourageant d'autres acteurs à franchir le pas. Selon le directeur de X France, cette dynamique relève parfois d'un suivisme qu'il critique ouvertement : "Il me semble que le courage ce n'est pas de partir en criant avec la meute, c'est de combattre pour ses idées là où le combat a lieu."
Les médias justifient leur choix par l'environnement jugé plus sain de Bluesky et son approche décentralisée. Un argument que Buanec conteste, rappelant que "toutes les plateformes sont confrontées aux mêmes enjeux de modération".
La bataille des chiffres
Face aux accusations de laxisme dans la modération, Laurent Buanec oppose une impressionnante série de données. Entre avril et octobre 2024, X aurait traité en France 42 000 contenus haineux, 61 000 contenus violents et 21 000 contenus abusifs ou de harcèlement. La plateforme a également supprimé 1 000 comptes d'entités haineuses et 12 000 comptes de harceleurs.
Sur le front de la désinformation, autre critique majeure, X revendique la suspension de plus de 16 millions de comptes en France sur la même période. Le système "Community Notes" est présenté comme particulièrement efficace, avec 80% des posts annotés supprimés par leurs auteurs et une réduction de 61% des reposts pour les contenus signalés.
Ces chiffres contrastent avec la perception des médias migrants, qui dénoncent une augmentation des contenus problématiques depuis le rachat par Elon Musk. Le directeur de X France y voit une "campagne de dénigrement", regrettant que le travail de modération détaillé dans les rapports DSA (règlement européen) soit largement ignoré.
Les défis d'une transition contestée
La migration vers Bluesky pose des défis techniques et stratégiques aux médias. La plateforme, encore en version bêta, doit rapidement développer des fonctionnalités essentielles pour les professionnels. X maintient d'ailleurs que son infrastructure et ses outils restent plus matures, avec notamment des scores de sécurité supérieurs à 99% selon les organismes indépendants IAS et DoubleVerify.
Laurent Buanec pointe également le paradoxe d'une supposée "conception radicale de la liberté d'expression" utilisée comme argument de départ. Pour lui, "on a toujours considéré en Europe que liberté d'expression et liberté des médias et des journalistes allaient main dans la main."
Le débat se cristallise aussi autour de l'algorithme de recommandation. Là où les médias critiquent un manque de transparence, X rappelle avoir publié son code source sur GitHub en 2023 et offre la possibilité d'une timeline chronologique sans algorithme. Un argument qui illustre la difficulté à concilier les perceptions des utilisateurs avec les efforts de transparence de la plateforme.